Alimentation

Aider les jeunes à répondre à l’engouement pour le bio

Seul au Québec à offrir un diplôme d’études collégiales en agriculture biologique, le cégep de Victoriaville a reçu 30 nouvelles inscriptions pour la prochaine rentrée. C’est du jamais vu – il n’y en avait que 18 l’an dernier et 15 en 2011.

L’avenir de ces futurs maraîchers biologiques semble radieux. Équiterre, qui distribue cet été des paniers de légumes bios à 11 000 familles, manque de fermes maraîchères diversifiées pour répondre à la demande. Mais encore faut-il que cette relève ait accès à une terre avant d’espérer produire la moindre carotte bio.

« On s’en va dans un mur en agriculture, dit Louise-Marie Beauchamp, cofondatrice des Jardins de Marie-Bio. Une terre de 80 hectares, avec silos, bâtiments, machinerie, maison et grange se vend un million et plus. Quel jeune de 25 ans veut s’endetter autant ? »

La bien nommée Mme Beauchamp est propriétaire, avec son mari, d’une terre de 4,5 hectares à Saint-Basile-le-Grand, au pied du mont Saint-Bruno. Longtemps, la terre a été louée aux agriculteurs voisins tandis que le couple gagnait sa vie dans le milieu de la télévision et du cinéma.

L’automne dernier, ça n’a plus été suffisant : Mme Beauchamp a voulu se rendre utile à la société en mettant sa propriété à la disposition de la relève en agriculture. À une seule condition : qu’elle cultive biologiquement, sans pesticides, engrais de synthèse ni OGM.

LOUER UNE TERRE 2000$ PAR AN

Aux Jardins de Marie-Bio, un aspirant maraîcher biologique peut louer un demi-hectare de terre, avec accès à une serre, trois tracteurs et un réservoir d’eau pour 2000 $ par an. C’est suffisant pour espérer des profits annuels de 20 000 $ par an, calcule Mme Beauchamp. Voire plus si l’agriculteur a droit à l’aide au démarrage de la Financière agricole ou des Centres locaux de développement, ce qui ne va pas de soi.

« C’est kafkaïen, tranche la propriétaire, après avoir frappé à bien des portes pour trouver des appuis pour la relève. Tout le monde veut bien faire, mais au bout du compte, il n’y a pas grand-chose de concret. » Si bien que cet été, seuls deux duos d’agriculteurs en herbe ont répondu à l’appel – lancé à la dernière minute – sur une possibilité de huit.

Nicolas Chaput, Montréalais d’origine de 32 ans, a loué une parcelle avec un ami. Ex-soudeur, il est heureux d’être enfin son propre patron. « Ici, plus je plante, plus je gagne de l’argent », résume-t-il, avant de faire goûter à La Presse un de ses radis Pink Beauty croquants.

Si le printemps frais et pluvieux n’a pas été favorable aux maraîchers – surtout à ceux qui vivent sous la tente comme Nicolas –, l’espoir d’un été plus clément est grand. Mais le succès n’est pas garanti. « Seul le temps montrera si l’initiative permet à de jeunes finissants d’avoir une expérience de démarrage avec un minimum d’encadrement », observe Jean Collin, directeur du Microprogramme en agriculture biologique de l’Université Laval.

UN RÊVE INACCESSIBLE DEVENU RÉALISABLE

« C’est super comme initiative, estime pour sa part Jean-Martin Fortier, auteur du livre à succès Le Jardinier-maraîcher, vendu à plus de 10 000 copies. Ça peut permettre à des jeunes et des moins jeunes de s’établir sans devenir propriétaires. C’est dur de trouver de petites parcelles à vendre au Québec, parce que le zonage agricole protège les gros blocs de production. »

M. Fortier inspire de nombreux aspirants agriculteurs, dont ceux des Jardins de Marie-Bio. On les comprend : son jardin de 0,8 hectare donne du travail – et des revenus intéressants – à quatre personnes à temps plein. « On est petits, mais c’est rentable parce que les coûts de production sont très bas », explique-t-il.

« Le livre de M. Fortier envoie le message qu’il est possible de se lancer en agriculture sur une petite superficie, à peu de frais, tout en étant capable d’en vivre convenablement, souligne Sébastien Lebel, coordonnateur du DEC spécialisé en production biologique du cégep de Victoriaville. Le rêve inaccessible de certains (faute de capitaux) devient peut-être réaliste et réalisable… »

Cet été, les légumes des Jardins de Marie-Bio sont vendus aux marchés publics de Rosemont Angus et de Côte-Saint-Luc. Avis aux intéressés : des jardinets irrigués peuvent aussi être loués aux amateurs pour 100 $ par saison.

Alimentation

Condos agricoles

Vendre des terres pour l’agriculture biologique avec maisonnette pour 150 000 $ partout autour des principales villes du Québec. C’est le rêve de Louise-Marie Beauchamp, qui a nommé ce projet Biochamp.

Tout en étant dans l’esprit de la souveraineté alimentaire du Québec chère au gouvernement Marois, son plan vise à rentabiliser l’agriculture biologique. « Ce n’est pas une religion, notre affaire, assure la dame. C’est un business. »

Selon le projet Biochamp, des agriculteurs traditionnels vendraient leurs terres à prix compétitif à des investisseurs. Ces derniers subdiviseraient les terres en lots de 1,5 hectare, y ajouteraient des serres, un système d’irrigation et des maisons écologiques à base de conteneurs. Avant de les revendre avec profit à des maraîchers biologiques.

« Chaque maraîcher aurait son entreprise indépendante, explique Mme Beauchamp. Il achèterait, en quelque sorte, un condo agricole indivise. » Des charges pourraient être exigées pour payer le salaire d’un agronome, d’un administrateur ainsi que divers frais. Un détaillant en alimentation prêt à financer le projet est recherché.

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